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Ras Amadeüs Bongo
Edouard Glissant.
Je souhaite rendre hommage à Edouard Glissant, un penseur qui m’a inspiré dans l’écriture de mon second album « Pan-Créolisation ».
"Soleil de la conscience" des mutations de notre monde, le poète penseur martiniquais est décédé ce jeudi 3 février à Paris, à l'âge de 82 ans.
Poète, romancier, essayiste, auteur dramatique et penseur de la "créolisation", il était né à Sainte-Marie (Martinique) le 21 septembre 1928 et avait suivi des études de philosophie et d'ethnologie, à à la Sorbonne en 1946. Docteur ès lettres, il a obtenu le prix Renaudot en 1958 pour La Lézarde. Militant activement contre le système colonial, opposé à la guerre d'Algérie, il a été expulsé des Antilles et assigné à résidence en métropole au début des années 60 par le pouvoir gaulliste. Il a en particulier enseigné en Louisiane (à Bâton-Rouge) et à la City University de New York, où ses leçons sur William Faulkner ont fait autorité. Auteur d'une oeuvre complexe dans laquelle se mêlent souvenirs, légendes, images poétiques, propos polémiques et réflexions théoriques, Edouard Glissant a ouvert la voie aux écrivains de la créolité, plus jeunes, tels que Patrick Chamoiseau. Grand homme de littérature, Edouard Glissant a su se faire un nom et une place au sein de la culture internationale. Glissant s'en est allé avant que le plus grand nombre sache l'indispensable de son oeuvre, sa pensée humaniste pour la compréhension profonde et durable de notre temps.
C’est quoi la créolisation Edouard ?
La créolisation, c'est un métissage d'arts, ou de langages qui produit de l'inattendu. C'est une façon de se transformer de façon continue sans se perdre. La créolisation s'applique non seulement aux organismes, mais aux cultures. Et les cultures sont des corps beaucoup plus complexes qu'un organisme. Si vous voulez, on peut prédire plus ou moins les résultats d'un métissage, mais non ceux de la créolisation. Prenez les langues créoles caraïbes, ou d'autres pays, ces résultats relèvent strictement du domaine de l'inattendu, de l'invention à foison de mots nouveaux, d'expressions, de blagues... Quand je dis que le monde se créolise, toute création culturelle ne devient pas créole pour autant, mais elle devient surprenante, compliquée et inextricablement mélangée aux autres cultures. La créolisation du monde, c'est la création d'une culture ouverte et inextricable, et elle se fait dans tous les domaines, musiques, arts plastiques, littérature, cinéma, cuisine, à une allure vertigineuse... L'apparition de langages de rue créolisés chez les gosses de Rio de Janeiro, de Mexico, ou dans la banlieue parisienne, ou chez les gangs de Los Angeles. C'est universel. Il faudrait recenser tous les créoles des banlieues métissées. C'est absolument extraordinaire d'inventivité et de rapidité. Ce ne sont pas tous des langages qui durent, mais ils laissent des traces dans la sensibilité des communautés. C'est la même chose en musique. Si on va dans les Amériques, la musique de jazz est un inattendu créolisé. Il était totalement imprévisible qu'en quarante ou cinquante ans des populations réduites à l'état de bêtes, traquées jusqu'à la guerre de Sécession, qu'on pendait et brûlait vives aient eu le talent de créer des musiques joyeuses, métaphysiques, nouvelles, universelles comme le blues, le jazz et tout ce qui a suivi. Beaucoup de musiques caribéennes, ou antillaises comme le me-rengue, viennent d'un entremêlement de la musique de quadrille européenne et des fondamentaux africains, les percussions, les chants de transe. Quant aux langues créoles de la Caraïbe, elles sont nées de manière tout à fait inattendue, forgées entre maîtres et esclaves, au cœur des plantations.
Edouard Glissant
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